Je ne comptais plus les jours qui passaient, je les laissais défiler simplement. . Je ne savais plus si j’étais ici depuis un mois ou bien trois. Je ne savais plus quel jour nous étions, peut-être lundi, quoique je penche plus pour jeudi. En y réfléchissant, ça n’avait guère d’importance. Qu’on soit mardi ou samedi, la finalité était semblable. Je ne faisais rien de mes journées. Je marchais dans les ruelles désertes ou me promenais dans la sombre forêt, faisant de mes journées une éternelle répétition. Je ne pensais plus à rien. J’étais prisonnier de cette ville ; elle ne me laissait plus respirer comme je le voulais. J’étais soumis à sa volonté …

Je m’éveillai, encore fatigué de la nuit mouvementée que je venais de passer. Je sortis de mon lit, les muscles encore endoloris. Je m’étirai calmement et allai dans la salle de bain. Je me lavai rapidement, pris un bout de pain en guise de petit déjeuner et sortit.

Les rues étaient calmes. Trop calmes. Je n’aimais pas ce silence. Je marchais sans trop savoir où j’allais. Plus rien ne comptait, il fallait juste que je m’occupe. De plus, il me semblait que les habitants de Black Valley se cachaient – ou du moins m’ignorait. Je me sentais seul, seul dans cette ville infernale. Il se faisait de plus en plus rare de rencontrer quelqu’un dans les rues, comme s’ils avaient tous disparu. Cette hypothèse me semblait peu crédible, puisqu’on ne pouvait sortir de cette ville. S’était-il passé quelque chose dont je n’étais pas au courant ? Une bataille ? Une balade de plusieurs jours ? Une réunion ? Quoi qu’il en soit, la ville était déserte ! Pas une âme en ce dimanche ensoleillé. Étrange, n’est-ce pas ?

Mes pas me guidèrent inconsciemment vers le centre de la ville. Peut-être par là-bas rencontrerais-je des personnes … Plus je me rapprochais, plus je prenais conscience qu’il n’y avait absolument personne. Le vent, qui venait de se lever, fit s’envoler un vieux journal datant d’il y a quelques années à mes pieds. D’un geste brusque, je l’envoyai plus loin et continuai de marcher.

Je m’arrêtai soudainement devant un grand bâtiment. Je levai les yeux doucement. J’étais devant l’hôtel de ville. Jamais je ne m’étais arrêté ici. Je n’y étais même jamais entré. Normalement – ou devrais-je dire, dans une ville normale – la place où trônait l’hôtel de ville était un endroit agréable, où des personnes défilaient toute la journée, un quartier où il devait faire bon vivre. A vrai dire, la place de Black Valley était plutôt différente. Quelques arbres, épais et sombres, où une multitude de corbeaux, tous plus noirs les uns que les autres, siégeaient, s’élevaient en plein milieu des dalles sales et abîmées. Une unique poubelle adossée à l’unique banc débordait de journaux et de vieilles paperasses. Quelques bâtiments entouraient la place. Je ne savais évidemment pas leur utilité. Je me tournai maintenant vers l’hôtel de ville. Les vitraux, partiellement cassés, étaient tellement sales que je ne pouvais voir l’intérieur.

Était-ce ici que j’allais trouver des personnes avec qui papoter ? J’en doutais.

J’entrai doucement. Il faisait noir, plus noir que je le craignais. Je n’avais rien pour m’éclairer. J’aperçus toutefois une faible lumière au bout d’un couloir. Y aurait-il quelqu’un ? Intrigué, j’avançai sans bruit. J’arrivai devant une grosse porte en bois. J’y posai délicatement mon oreille et écoutai. Rien. Je poussai alors la lourde porte et, après un grincement horrifiant, découvris une salle poussiéreuse. Je présumai, quelques minutes plus tard, que cela devait être l’ancien bureau du maître. Au milieu de la pièce, posée sur une basse armoire, une bougie brûlait. Elle était encore haute, laissait envisager que quelqu’un était passé par ici il n’y avait guère de temps.

Par instinct, je pris garde où marcher et je faisais attention à rester silencieux. Je fis le tour de la pièce, observant le mobilier. Une peinture, d’une taille considérable, couvrait un des murs. Sur le sol, s’était amassé de la poussière au fil des ans, cependant, juste devant le tableau, je vis deux marques de pas. Je n’étais pourtant pas encore passé par là. Je m’approchai de la toile et la tâtai calmement. Subitement, un bruit sourd me laissa sans voix. Le tableau commença à tourner dans un crissement malveillant.

Sans le savoir encore, je venais de découvrir la salle secrète du maire de Black Valley !