Il faisait bien froid aujourd’hui, même si cela pouvait se comprendre avec le mois de décembre déjà bien installé. Il avait de nouveau neigé durant la nuit et Black Valley était recouvert d’un voile blanc qui rendait la ville un peu moins effrayante. Jonathan se promenait dans les rues presque désertes. Il marchait d’allées en allées, vagabondant dans des petites ruelles. Il avait prévu aujourd’hui, comme tous les autres jours qui avaient précédé et comme tous les jours qui viendront, d’aller faire son habituelle promenade dans la forêt. Il s’était habillé chaudement vu le temps. Le ciel était indécis. De sombres nuages noirs voguaient dans les cieux, guidés par les rafales infernales et incessantes du vent. Ce dernier s’engouffrait dans les rues de Black Valley dans un bruit déplaisant, claquant contre les façades des nombreux bâtiments. Le ciel était noir ; même si la journée était à son apogée, il faisait presqu’aussi noir qu’au crépuscule. Malgré l’indécision enrageante du temps, Jonathan s’engagea dans la forêt. Ces temps-ci, entre elle et lui, c’était la grande histoire d’amour. Il y allait tous les jours, une ou deux fois, parfois même trois, se promenant entre les hauts sapins, errant dans les sentiers ou encore s’asseyant contre un arbre afin de se reposer tranquillement. Une fois de plus, il flânait. Dans cette forêt, il avait déjà fait quelques rencontres. A chaque fois qu’il s’y engageait, il se demandait si aujourd’hui encore il allait rencontrer un des fascinants habitants de Black Valley …

Il marchait calmement dans la partie ouest de la forêt. Il aimait particulièrement cet endroit car il y avait quelque chose qui captait son attention, quelque chose d’étrange, de surnaturel. Il y revenait souvent, s’arrêtant et tentant à chaque fois de découvrir ce qui le charmait par ici. Et ce ne sera pas aujourd’hui qu’il fera l’exception. Il se dirigeait donc par là.

De temps en temps, Jon’ repensait à sa vie avant qu’il arrive ici. Vancouver lui manquait même s’il s’était vite adapté à Black Valley. C’était pour lui un dépaysement total, c’était la première fois qu’il vivait autre part que Los Angeles et Vancouver, deux grosses villes. Et maintenant, il séjournait dans une petite ville, assez étrange, avec l’intention de venger ses aïeux.

Le silence régnait en maître. Seul quelques oiseaux et le claquement du vent venait le perturber. Jon’ aimait ce calme, cela le relaxait. Il était en train d’avancer entre un rideau d’arbres immenses. Il devait probablement être dans la partie la plus ancienne de la forêt. Quand il y réfléchissait, Jonathan se demandait comment cela se faisait qu’il adorait se promener ici. La forêt était un endroit obscur et sinistre. Des rumeurs circulaient qui disaient que de bêtes étranges et dangereuses vivaient dans ces bois. Un bruit détourna son attention. Il fureta dans tous les coins autour de lui mais ne trouva pas âme qui vive. Il continua à marcher tout en restant sur ses gardes. Jon’ se retourna rapidement, juste assez pour éviter une pierre dans la tête. Il regardait partout, se demandant qui pouvait lui réservé un aussi charmant accueil.

Quelqu’un ou quelque chose pouvait se cacher n’importe où. A quelle rencontre encore plus hasardeuse que les précédentes le destin avait-il décidé d’emmener Jonathan P. Bass ?

Jonathan entendit de nouveau un bruit. Il se retourna, furetant partout du regard. Chaque bruit, aussi infime soit-il, attirait son attention. Il était sur ses gardes car n’importe qui ou n’importe quoi pouvait débarquer. Il leva la tête légèrement, attiré par un craquement de branche. En un instant, à peine eut-il le temps de se rendre compte de ce qu’il était en train de réellement se passer, une personne bondit et atterrit juste devant lui. Surpris, Jonathan dit un petit bond en arrière puis recula un peu. Il entendit la personne lui demander « Que fais-tu là, Jonathan ? ». Il reconnut directement cette voix, mais pas à qui elle appartenait. Il lui fallut donc un petit moment pour reconnaitre la jeune femme.

Shadow ?

Oui c’était bien elle, Shadow K. Hopkins. Il était bien étonné de la voir, ici, devant lui. Il ne s’attendait pas du tout à elle. Il la regarda et sourit. Lors de leurs dernières discussions, Jon’ avait découvert que la demoiselle n’était pas humaine, à cause d’une suite inattendue d’événements inattendus à fin inattendue. Cela résumait tout. Cependant il n’avait toujours pas trouvé sa vraie nature. Des rumeurs couraient dans Black Valley, disant que les Hopkins étaient des vampires, mais Jonathan voulait en avoir le cœur net. Ce fut donc pour cela qu’il plaça promptement dans un coin de sa tête cette question, décidant de la poser un peu plus tard. Shadow et lui étaient des amis, quoique est-ce que leur relation pouvait être comparée ou comparable à une amitié, quoi que celle-ci fusse ? Jon’ hésitait. A chaque rencontre, ils ignoraient tous deux comment cela allait se terminer, parfois plutôt bien ou parfois plutôt mal. De temps à autre, ils passaient d’agréables moments ensemble, rigolant et s’amusant. Mais, il n’était pas du tout impossible que quelques minutes plus tard, ils se chamaillent et se disputent. On pourrait d’avantage qualifier cela d’amitié à hauts risques. Quoi qu’il en soit, pour Jonathan, chaque nouvel instant en sa compagnie était un nouveau challenge à relever et surtout à surpasser.

Oh, je me promenais simplement … J’aime bien cette forêt. Et toi, quel bon vent t’amène par ici ?

Jonathan s’assit sur une souche d’arbre et regarda la jeune femme. Un bruit un peu plus loin attira son attention. Une autre personne se promenait-elle elle aussi par ici ? Ces temps-ci, il était à l’affut de tout. Il n’était pas en sécurité, étant en permanence dans la possibilité d’une quelconque attaque. Oui, les Bass sont de retours et qu’importe ce que croient les habitants, ils n’ont pas que de bonnes intentions.
Jon’ leva la tête. Le ciel s’assombrissait encore plus. Une tempête se préparait probablement. Les nuages noirs cavalaient dans les cieux à une vitesse fulgurante, comme s’ils étaient poursuivis et menacés par le Mal en personne. Le vent soufflait violement sur les branches qui se cassaient à son contact et retombaient sur le sol gelé. Il commença à pleuvoir. Rester ici, au milieu de la forêt, alors qu’un orage se préparait, n’était sûrement pas une idée très ingénieuse. Mais, Jon’ n’avait pas envie de partir. Même si sa relation avec Shadow était parfois chavirement perturbée, il l’aimait bien. Il l’appréciait fort même – il fallait l’avouer, il l’aimait un peu moins quand ils se disputaient – et c’était toujours avec un grand plaisir qu’il lui tenait compagnie. C’était un des rares habitants de Black Valley qui avait montré un peu de sympathie à son arrivée. C’est peut-être la raison pour laquelle il appréciait la jeune femme davantage que le reste de sa famille. Normalement, étant donné que Jon’ est à Black Valley pour venger sa famille, il n’aurait pas vraiment dû se nouer d’amitié avec une Hopkins. Mais bon, il l’appréciait, c’était le principale ; il faut parfois mettre de côté les vieilles histoires et querelles de familles …